mardi 4 mars 2008

Les inégalités devant la retraite

Tous les hommes sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres !

On n’en parle presque jamais mais les inégalités de traitement des Français en matière de retraites sont beaucoup plus choquantes que celles des revenus. On dénombre au moins 7 grandes inégalités concernant la retraite.


Première inégalité : la durée de cotisation du privé et du public.

Pour les salariés du secteur privé, il faut travailler quarante ans de cotisations pour toucher une retraite à taux plein sur la base des vingt-cinq meilleures années, au lieu des dix meilleures. Le contraste avec le secteur public n'en est que plus frappant puisque, dans ce dernier, l’on peut partir à la retraite à taux plein (75%) au bout de 37,5 années de cotisations, et sur la base des six derniers mois !

Deuxième inégalité : Le taux de remplacement des pensions de retraite par rapport au dernier Salaire

Les retraités du secteur public reçoivent, en moyenne, 25 % de plus que ceux du secteur privé alors que les artisans et les commerçants touchent pour leurs retraites en moyenne 30 à 40 % de moins. Ainsi, pour une durée de cotisation moindre, les salariés du public gardent un taux officiel de remplacement de 75 % contre bientôt 50 à 60% pour le privé !

Troisième inégalité : l'espérance de vie au moment de la retraite

A 35 ans un ouvrier a dix d’espérance de vie de moins qu’un cadre !

Logiquement, cette constatation devrait conduire à donner proportionnellement plus chaque mois à l’ouvrier parce que statistiquement il touchera sa pension de retraite moins longtemps. Si l’on pousse le raisonnement plus loin, il faudrait aussi tenir compte de l'espérance de vie des hommes, inférieure de sept ans à celle des femmes, pour calculer les pensions de retraite de manière équitable.

Quatrième inégalité : des cotisations de retraite à faible retour voire à fonds perdus

Le régime général des retraites des salariés du secteur privé pénalise les personnes dont les carrières sont incomplètes - 61 % des femmes et 15 % des hommes sont dans ce cas.

Ceux qui cotisent 30 ans ont une pension de retraite deux fois plus faible que ceux qui ont cotisé 40 ans. Malheur à ceux et à celles qui ont eu des trous dans leur carrière, ou se sont arrêtés pour élever leurs enfants (une femme sur deux est dans ce cas dans les familles nombreuses) ou s’occuper de parents âgés ! Par ailleurs, le régime général ne valide pas les années cotisées au-delà de quarante. On confisque ainsi des années de droits supplémentaires à la retraite.

Cinquième inégalité : les cotisations de retraites pour la vieillesse oublient la jeunesse

Les enfants d’aujourd’hui font les retraites de demain.

Hélas, dans notre système le meilleur moyen d’obtenir le revenu maximal, à la fois durant sa vie active et pendant sa retraite, est de ne pas avoir d’enfants, de façon à tout miser sur sa carrière professionnelle et cotiser à plein pour des retraites qui seront payées par les enfants des autres.

C'est à chacun de décider en connaissance de cause s'il veut travailler plus et cotiser directement ou travailler moins, en se consacrant à ses enfants ou à un parent en difficulté. Ces deux manières d'investir pour l'avenir devraient être comptées comme des cotisations-solidarité, vieillesse et jeunesse, et donner des points de retraite.

Sixième inégalité : la capitalisation n'est qu'une solution partielle pour les plus Nantis

La capitalisation dépend de la capacité d'épargne des individus. Celle-ci est forcement inégale selon les situations et les individus. La retraite par capitalisation peut être un complément de retraite individuel justifié, mais elle ne résout pas le problème collectif des retraites. Elle présente par ailleurs des risques pour l'épargnant eu égard à l’évolution des valeurs boursières.

Septième inégalité : les revenus globaux des retraités dépassent ceux des actifs

En moyenne un ménage de retraités, compte tenu des revenus du patrimoine, vivant en couple a au moins 10 % de plus de revenu disponible qu'un ménage d'actifs. Les retraités d'aujourd'hui vivent donc bien mieux que leurs prédécesseurs mais s’ils vivent mieux que les actifs, cela pose question et le système ne pourra durer ainsi plus longtemps.

lundi 27 août 2007


Le problème des retraites

Le système des retraites telle qu’il fonctionne en France depuis 1945 est un système basé sur la répartition. Il s’agit d’un système fondé sur la solidarité entre les actifs et les retraités. Ainsi, aujourd’hui, les actifs versent des cotisations et les retraités perçoivent en retour des pensions. Les cotisations ne sont pas stockées mais reversés immédiatement aux ayants droit. Ce système de financement repose sur un rapport équilibré entre actifs et retraités. Si le nombre d’actifs diminue alors que le nombre de retraités augmente, toute chose restant égale par ailleurs, pour équilibrer le financement du régime, il faut, soit augmenter les cotisations ou réduire les pensions versées, soit agir sur les deux à la fois.


Les causes du problème

Or, cet équilibre est remis en question par l’évolution démographique de notre société :

  • l’allongement de l’espérance de vie. En 1950, un homme de 60 ans avait une espérance de vie de 15 ans contre 20 aujourd’hui et 27 ans en 2040,
  • la baisse de la natalité, nettement insuffisant pour assurer le renouvellement de la population et pour la première fois depuis 40 ans, la France va connaître à partir de 2006 une baisse de sa population active. En effet, depuis 1975, le renouvellement des générations a diminué de 20 %,
  • le papy-boom résultat du départ à la retraite des générations nombreuses issues de l’époque du baby-boom. Au 1 er janvier 2003, la part des personnes âgées de 65 ans et plus représentait 16 % de la population. En 2030, cette proportion atteindra près de 25 %.

La conjonction de ces tendances lourdes affecte le nombre des actifs et pour la première fois depuis un demi-siècle, la France connaît depuis 2006, une baisse de sa population active. Selon l’INSEE, cette baisse, aujourd’hui, de 30.000 personnes pourra atteindre 80.000 personnes par an vers 2025.

A ces phénomènes démographiques, s’ajoutent d’autres facteurs qui ont aggravés la situation. Ce sont les plans de départ en préretraites à l’âge de 55 ans qui ont été à une certaine époque très utilisés par les entreprises et la persistance d’un taux de chômage qui approche les 10 % de la population active.

La France va donc se retrouver dans une situation où il y aura de moins en moins d’actifs et de plus en plus de retraités. Aujourd’hui, il y a 44 retraités pour 100 actifs. En 2040, il y aura 83 retraités pour 100 actifs. L’équilibre économique de nos régimes de retraite va se trouver sérieusement menacé. Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, si l’on ne fait rien, le financement des retraites qui est aujourd’hui équilibré, atteindra un déficit d’environ 100 milliards d’Euros en 2040 soit 4 % du PIB français.


Les solutions

Pour rétablir l’équilibre, il n’existe que deux grands moyens d’action :

  • Augmenter le niveau des cotisations,
  • Réduire le niveau des pensions.


Plusieurs paramètres permettre d’agir sur le niveau des cotisations :

  • Allonger de la durée de cotisation. En n’agissant que sur ce paramètre, il faudrait accroître de 9 ans la durée du travail pour maintenir le niveau des retraites. Depuis 1993, pour les retraites du privé, il faut pouvoir justifier de 160 trimestres d’activité pour bénéficier d’une retraite à taux plein contre 150 auparavant. Un autre moyen est de pénaliser plus fortement les départs anticipés,
  • Augmenter les taux de cotisation. En n’agissant que sur ce paramètre, si l’on veut maintenir le niveau des pensions avec la réglementation en vigueur actuellement, les cotisations devront être augmentées de 35 % d’ici à 2040,
  • Reculer l’âge légal de départ à la retraite. De nombreux pays européens comme l’Italie et l’Allemagne ont fixé l’âge légal à 65 ans. En France, seuls les professions libérales et les prêtes ont l’obligation de continuer jusqu’à 65 ans,
  • Augmenter le nombre de cotisants. Cela peut se faire de plusieurs façons, en réduisant le chômage, en incitant les français à avoir plus d’enfants par une politique familiale volontariste ou en ayant recours à l’immigration.

Plusieurs paramètres permettre d’agir sur le niveau des pensions :

  • Modifier les règles de valorisation des pensions. Ainsi, les règles actuelles de valorisation des pensions par rapport aux prix ont permis de minorer la charge des retraites par rapport à une valorisation qui se serait indexée sur les salaires,
  • Modifier la règle de calcul des pensions. C’est ce qui a déjà été fait pour le secteur privé. Depuis 1993, le calcul des pensions du privé ne s’effectue plus sur la base des dix meilleures années de revenu d’activité mais sur celle des vingt-cinq meilleures années,
  • Diminuer la période de retraite. Le recul de l’âge légal de la retraite ou l’allongement de la durée de cotisation ont également comme conséquence de réduire la période pendant laquelle on touchera une pension. Un autre moyen est d’encourager ceux qui le veulent de continuer à travailler ou de conserver une certaine activité après l’âge légal en majorant les départs retardés.

D’autres solutions complémentaires peuvent être mises en œuvre :

  • En recherchant d’autres sources de financement par la création de nouveaux prélèvements ou en augmentant, par exemple, la CSG qui frappe tous les revenus, ou en instaurant une TVA sociale,
  • En constituant un fonds de réserve pour les retraites comme cela a été fait aux Pays-Bas. En France, un fonds de réserve a été créé par le gouvernement Jospin, alimenté par les recettes des privatisations. Doté de 12,58 milliards d’euros en 2002, il devrait atteindre 150 milliards d’euros en 2020,
  • En introduisant une dose de capitalisation dans notre pays comme cela a été fait en Allemagne et en Suède,
  • Mettre en place un système favorisant le cumul Emploi-Retraite pour donner le moyen aux retraités de compléter leurs retraites par des revenus supplémentaires.

Conclusion

Il n’existe pas une solution unique qui permettrait de résoudre de manière définitive, le problème du financement des retraites. On ne peut pas rester sans rien faire en misant sur des taux de croissance supérieurs à 3 % pour sauver notre système de retraite. Aujourd’hui, la solution qui a été choisie par le gouvernement est celle de l’accroissement de la durée de cotisation qui a l’avantage de permettre conjointement l’augmentation des cotisations et la réduction des pensions à verser. Mais cette mesure ne suffira pas à assurer l’équilibre général au cours des prochaines décennies. Elle ne couvrira qu’un tiers des futurs besoins de financement du secteur privé. Il faudra donc aller plus loin dans la réforme et prendre d’autres mesures.

Mais au-delà de l’aspect strictement économique des retraites, se pose un véritable débat de société sur l’équité actuelle de notre système de répartition :

  • Est-il équitable que l’on ne tienne pas compte de l’espérance de vie pour calculer les droits à la retraite ? Notre système favorise les catégories socioprofessionnelles supérieures qui ont une espérance de vie élevée au dépend de la catégorie des ouvriers et des employés,
  • Est-il équitable que ceux qui ont travaillé depuis l’âge de 14-16 ans et qui comptent plus de quarante deux années de cotisations voient ces années supplémentaires ignorées dans le calcul de leurs pensions ?
  • Est-il équitable que deux personnes ayant le même âge et faisant chacune exactement le même métier tous les jours de la vie ne bénéficient pas exactement des mêmes conditions de retraite parce que leurs statuts diffèrent ?